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de déterminer dans quelle mesure les textes baudelairiens représentent une opposition
contre les valeurs portées aux nues par le monde moderne. J’affirme néanmoins qu’il est
possible d’y identifier une charge critique et subversive envers les règles de pensée
dominantes. Cette démarche se perçoit dans la conception baudelairienne de la
perception transfigurante même, ainsi que dans certains choix créatifs et thématiques
dans des textes mettant en scène cette perception. De plus, j’argue que ce
questionnement, à terme, dépasse la simple contestation pour dévoiler un mode
épistémologique marginal. Ainsi faisant, c’est une remise en cause d’un système néfaste
à l’humanité et à l’individu social qui s’installe par l’usage d’une transfiguration
esthétique.
D’après Baudelaire, la perception esthétisante se présente comme supérieure par
rapport au système de pensée actuel d’abord parce qu’elle est capable de dévoiler une
vérité autre. Le Beau poétique, c’est-à-dire ici l’esthétique de l’allégorie, est en effet « un
corollaire de la vive perception du vrai [...] ».478 Reposant sur une ouverture aux états
irrationnels comme l’imagination, capacité que le poète considère comme « la reine du
vrai, [alors que...] le possible est une province du vrai »,479 la vision poétique permet de
dépasser les connaissances communes du monde pour en dévoiler d’autres ; en effet pour
Baudelaire, « [l’imagination] décompose toute la création, et, avec les matériaux amassés
et disposés suivant des règles dont on ne peut trouver l’origine que dans le plus profond
de l’âme, elle crée un monde nouveau ».480 Le poème en prose « La Chambre double » et
le texte « Rêve parisien » mettent ainsi en scène des vérités nouvelles à travers une
478 Notes nouvelles sur Edgar Poe 331.
479 Salon de 1859 621.
480 Salon de 1859 621.