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obscur », il affirme que « cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de
connaissance »466, c’est-à-dire que le mode de pensée lié au progrès trompe dirige
l’homme vers un savoir erroné du monde. De plus d’après Baudelaire, le progrès conduit
à la perte des valeurs morales et humanistes, à « l’avilissement des cœurs », dit-il dans
Fusées.^ Imaginant certaines interactions humaines se déroulant dans la société future,
échanges marqués par le manque de cœur, de justice, de loyauté et d’amour filial, le poète
prédit à l’homme de demain : « grâce au progrès de ces temps, il ne te resteras de tes
entrailles que tes viscères ! »468 Le poème «J’aime le souvenir de ces époques nues »
dénonce cette même tendance du progrès. Au contraire de Г ère antique, le « dieu de
!’Utile »469 est maintenant au contrôle de la société, où prévalent alors Thideur et
l’immoralité. De manière ironique et pour railler les défenseurs de l’époque actuelle, le
poète reconnaît finalement que « Nous avons, il est vrai, nations corrompues, / Aux
peuples anciens des beautés inconnues : / Des visages rongés par les chancres du
470
cœur ».
A l’opposé de cette maladie contemporaine, Baudelaire chante donc les qualités
d’une perception esthétique et sensorielle du monde. Opposant savoir rationnel et
artistique, Baudelaire conçoit la connaissance esthétique comme supérieure et
satisfaisante, accusant le progrès d’écarter Thomme de sa quête, fastidieuse et rigoureuse
465 Exposition universelle de 1855 580.
466 580.
467 666.
468 Fusées 667.
469 Charles Baudelaire, « J’aime le souvenir de ces époques nues », Les Fleurs du mal 12, v.23.
470 v.29-31.