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misérable : lorsque Césaire sent son être intégrer tous les éléments du cosmos, le temps et
tous les états que peut connaître l’humain sont pareillement dépassés et réunis en lui. Le
poète peut alors déclarer: «En nous l’homme de tous les temps. En nous tous les
hommes. En nous l’animal, le végétal, le minéral. L’homme n’est pas seulement
homme. Il est univers ».463 L’homme devenu cosmos ne craint plus ni l’absurdité de
l’existence et de la mort, ni le mécontentement d’une vie inexorablement misérable
puisqu’il est la vie même, pour l’éternité. Persuadé du caractère extraordinairement
bénéfique de cette perception particulière, qui va jusqu’à fusionner les oppositions, le
poète conçoit finalement cette vision comme une doctrine sacrée à suivre et à vénérer :
« J’ai inventé un culte secret / mon soleil est celui que toujours on attend / le plus beau
des soleils est le soleil nocturne », chante-t-il.464
2. Des normes épistémologiques bénéfiques
Dans ses écrits critiques et ses journaux intimes, Baudelaire remarque
fréquemment les problèmes que soulève le mode de vie et de pensée contemporain. Plus
particulièrement, il remet en doute les discours communs au sujet du progrès — concept
intrinsèquement lié au discours capitaliste de l’ère moderne — : l’amélioration de
l’humanité se ferait par le progrès industriel. Dans son compte-rendu de !’Exposition
Universelle de 1855, le poète considère cette prétendue qualité de la société
contemporaine comme une « erreur fort à la mode ».465 Qualifiant le progrès de « fanal
463 « Poésie et connaissance » 162.
464 « Dit d’errance » 286.