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la religion en accentuant ici l’importance et le pouvoir non pas de Dieu mais de l’homme.
Par le mot « vexe », le poète rompt le rapport entre la volonté du peuple, et de l’homme
en général, et celle du divin : l’expression ainsi détournée signifie que l’humanité doit
agir dans ses propres intérêts, sans tenir compte de ce que Dieu, ou le discours religieux
censé le représenter, en dit. La majuscule à « Populi » renforce la supériorité de cette
entité face à la figure de Dieu, qui porte ici une minuscule.
L’écriture automatique et d’autres procédés questionnant les règles et les
structures figées du langage, comme le néologisme, illustrent aussi l’élan critique présent
dans les textes prévertiens. L’enjeu contestataire de cette méthode, se présente d’abord
comme linguistique mais porte aussi finalement sur le modèle perceptif et le système de
valeur dominants. Dans le poème « Dans ma maison », par exemple, le poète questionne
en premier lieu la manière dont la langue nomme les choses, soulignant : « Comme c’est
curieux les noms ».515 Il relève en effet ici l’arbitraire des noms et se désespère : « Est-ce
qu’on sait ce que c’est un pinson / D’ailleurs il ne s’appelle pas réellement comme ça /
C’est l’homme qui a appelé cet oiseau comme ça ».516 Après avoir insisté sur l’injustifié
des normes discursives, il se propose de transgresser les références données dans le
langage pour suggérer d’autres manières, toutes aussi arbitraires, de décrire le monde ;
par exemple, il est tout aussi possible de bien dire : « Un troupeau de bonapartes passe
dans le désert / L’empereur s’appelle Dromadaire / Il a un cheval caisse et des tiroirs de
course ».517 Le poème « Inventaire » reprend cette idée et remet en cause la conception
sémantique du langage par l’énonciation d’une liste de personnages et d’objets sans grand
515 v.36.
516 v.32-34.
517 v.40-42.