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l’animal par une caractéristique réductrice et partiellement fausse ; après tout nous fait
remarquer le poète : « Le pinson n’est pas gai / Il est seulement gai quand il est gai / Et
triste quand il est triste ou ni gai ni triste ».507 Au-delà d’une simple mise en garde du
caractère généralisateur de la langue, il est indéniable que certains textes de Prévert
comportent des enjeux sociaux plus importants. Par exemple, lorsque le poète
s’interroge : « Pourquoi dites-vous la virilité ? »508, ou s’insurge : « Toujours II qui pleut
et qui neige /Toujours II qui fait du soleil / [...] / Pourquoi pas Elle »509, il souligne le
sexisme implicite que véhicule la langue française et, par extension, s’oppose au sexisme
social.
Tantôt, Prévert remet en cause de manière détournée une langue et une perception
qu’il considère imparfaites et néfastes. Ainsi lui arrive-t-il d’utiliser des stéréotypes
linguistiques tels quels mais dans un contexte qui souligne toute l’ironie ou la moquerie
du discours prévertien à l’égard de ces formes. Gasiglia-Laster remarque par exemple
que « l’accumulation des clichés tend à montrer qu’ils sont une bouillie de paroles,
totalement insignifiantes ou mensongères ».510 C’est le cas dans la « Conférence par un
conférencier » où Prévert se moque du discours pseudo-érudit et pompeux des
intellectuels. Le conférencier du texte débute en effet sa présentation par un long
monologue biographique parsemé de tant de titres de gloire qu’il en devient
incompréhensible et hors de propos. Il raconte entre autres qu’il a été « Plusieurs fois
porté en triomphe dans plusieurs localités différentes / Pour actions d’éclat prouesses
507 Jacques Prévert, « Dans ma maison », Paroles 56, v.29-31.
508 Jacques Prévert, « Intermède », Spectacle 378.
509 Jacques Prévert, « Refrains enfantins », Spectacle 326-327, v.20-23.
510 Introduction xxx.