177
c’est-à-dire de super-cerveaux que nous regardons et que nous écoutons parfois à la
télévision, [...] les robots savants. »529 Le pauvre est donc présenté ici non seulement
comme un être de valeur mais aussi comme une figure supérieure de par ses qualités
esthétiques et humaines uniques. Une fois de plus, nous retrouvons ici les traces d’une
épistémè qui, naturellement, se construit sur un système de valeur opposé à celui qui
guide le mode d’appréhension dominant !’Occident post-révolution industrielle : ce n’est
plus le statut social ou intellectuel mais les qualités humaines et sensibles qui servent de
critère de jugement, qualités qui semblent à même de forger un monde plus épanoui et
accueillant.
Césaire, enfin, se dresse aussi contre le système de pensée dominant actuel. Dans
le cadre de l’expérience de la population négro-africaine en particulier, il pointe du doigt
les discours qui justifient de la présumée infériorité naturelle de l’esclave et l’en
persuade ; le poète décrit ce processus ainsi dans le Cahier : « on avait fourré dans sa
pauvre cervelle qu’une fatalité pesait sur lui qu’on ne prend pas au collet ; [...] et d’être
un bon nègre, de croire honnêtement à son indignité ».530 Césaire fait état à de multiples
reprises dans ses textes de l’image négative stéréotypée que l’homme blanc construit au
sujet de son peuple, comme par exemple :
les nègres-sont-tous-les-mêmes, je-vous-le-dis les vices-de-tous-les-vices,
c’est-moi-qui-vous-le-dit
l’odeur-du-nègre, ça-fait-pousser-la-canne
529 Cité par Gasiglia-Laster et Laster, vol. 2 1466.
530 74-75.