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rappelez-vous-le-dicton :
battre-un-nègre, c’est le nourrir531
Lorsque les jugements envers l’homme noir semblent positifs, ces images le réduisent à
un objet d’amusement et d’exotisme dont les qualités ne sont que d’ordre sexuel ou
artistique : « [...] comme on nous aime ! / Obscènes gaiement, très doudou de jazz sur les
excès d’ennui. / Je sais le tracking, le Lindy-hop et les claquettes. »532 A l’opposé du cas
de Baudelaire et Pré vert, la poésie césarienne semble explicitement revendiquer un
discours subversif à l’encontre des normes à la fois linguistiques, sociales et politiques
qui s’imposent dans la société actuelle.
Ici encore, c’est une vérité nouvelle, voire supérieure à la vision occidentale, qui
s’offre à celui qui fait usage d’une transfiguration perceptive. Césaire relie en effet la
perception engendrée par !’imagination au vrai. Alors que le poète se revendique de la
folie et énonce de nouvelles affirmations suivant ce principe inédit — comme « Que 2 et
2 font 5 [...] », par exemple —, il conclut sa « leçon » par « Et vous savez le reste »533,
posant ainsi ces énoncés comme un savoir, une vérité. Cette démarche de connaissance
conduit en fait au vrai absolu. Césaire affirme en effet la supériorité de la vérité poétique
du monde, statuant que la poésie est un outil de « connaissance rassasiante »534 tandis
que, grâce à elle, l’homme peut « découvrir, comme par flair, sans induction, ni
déduction, les plus solides vérités ».535 Césaire conçoit alors la poésie moderne comme la
531 Cahier 60.
532 Cahier 60.
533 Cahier 54.
534 « Poésie et connaissance » 158.
535 « Poésie et connaissance » 158.