189
moment où l’homme est désormais capable d’accéder à une vision transfigurante, et donc
satisfaisante, du monde :
A la saintejeunesse, à l’air simple, au doux front,
A l’œil limpide et clair ainsi qu’une eau courante,
Et qui va répandant sur tout, insouciante
Comme l’azur du ciel, les oiseaux et les fleurs,
Ses parfums, ses chansons et ses douces chaleurs !559
A terme, Baudelaire rapproche l’enfant du poète dans leur capacité de percevoir le
monde esthétiquement; il déclare: «L’enfant voit tout en nouveauté [...]. Rien ne
ressemble plus à ce qu’on appelle l’inspiration, que Iajoie avec laquelle l’enfant absorbe
la forme et la couleur. »560 Plus que cela, les deux perceptions étant si proche, la
démarche d’appréhension que favorise l’enfant devient un modèle à suivre pour
développer chez le poète une vision esthétisante du monde. Au sujet de la création
artistique, Baudelaire souligne que la transfiguration esthétique « [...] le résultat d’une
perception enfantine, c’est-à-dire d’une perception aiguë, magique à force
d’ingénuité ! ».561 En s’exprimant ainsi, il semble que c’est moins l’enfant lui-même que
la perception que son jeune âge permet qui soit au centre des réflexions de Baudelaire.
Le poète serait en quelque sorte le seul être adulte capable d’accéder à foison à un mode
de conception enfantin des choses ; de ce fait, « le génie n’est que Venfance retrouvée à
volonté », conclut Baudelaire.562
559 v.36-40.
560 Le Peintre de la vie moderne 690.
56' Le Peintre de la vie moderne 694.
562 Le Peintre de la vie moderne 690.