192
inspiré : la transfiguration entreprise par les autres hommes, atteinte uniquement par le
biais de moyens artificiels comme l’ivresse éthylique, n’en est en fait qu’une pale copie.
Ainsi souligne Baudelaire : les premiers créent « un jardin de vraie beauté » tandis que
les seconds ont accès à « un faux bonheur et une fausse lumière ».574 La supériorité du
poète se résume par une idée d’élévation qui le place non seulement au-delà des
apparences et des conceptions communes des choses, mais aussi au-dessus du reste de
l’humanité. Baudelaire décrit la domination du poète ainsi : « au-dessous de lui, au pied
de la montagne, dans les ronces et la boue, la troupe des humains, la bande des ilotes,
simule les grimaces de Iajouissance [...] », par l’usage de produits enivrants.575
Persuadé des qualités naturelles du poète pour accéder à une perception
transfigurante, Baudelaire déconseille par conséquent le recours à l’alcool ou à la drogue
comme moyen de création poétique. A ce propos, Pichois décrit Les Paradis artificiels,
essai qui étudie en détail les effets de plusieurs ivresses, de cette manière : c’est « le livre
écrit par un poète pour tous ceux qui considèrent que la seule vraie drogue, la drogue
absolue, est la Poésie, et le seul problème, sa naissance et sa connaissance. »576
Baudelaire clôt en effet la section « Du vin et du haschich » de cet essai en citant le
musicien et théoricien Auguste Barbereau qui remarque : « Je ne comprends pas pourquoi
l’homme rationnel et spirituel se sert de moyens artificiels pour arriver à la béatitude
poétique, puisque l’enthousiasme et la volonté suffisent pour l’élever à une existence
supra-naturelle ».577 La véritable expérience de transfiguration, si elle peut être imitée
574 Les Paradis artificiels 441.
575 Les Paradis artificiels 441.
576 notices 1358.
577 Les Paradis artificiels 398.