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Prévert parodie ce vers de Baudelaire, l’intégrant dans une liste de personnages critiqués
et le transformant en « Ceux que leurs ailes de géants empêchent de voler ».583 Par ce
détournement, le poète sous-entend que l’orgueil des artistes imbus d’eux-mêmes et de
leur talent étouffe en fait la véritable inspiration et imagination584 : ils ne peuvent plus
s’élever, « voler ».
Prévert réitère sa critique par une nouvelle référence aux ailes de géants et à l’idée
d’élévation dans le poème « Gens de plume ». Dans ce texte, il se moque encore de
l’égocentrisme et de la pédanterie de certains écrivains qui se sentent un don et un esprit
hors du commun, ou du moins veulent-ils le faire penser. La voix poétique explique par
exemple que ceux-ci, « [q]uand ils vol[ent], ou accompliss[ent] le simulacre de voler,
avec ailes de géants et grands Pégazonènes, c,[est] toujours dans les Hauts Lieux où,
paraît-il, souffle l’esprit. »585 A l’opposé de ces « oiseaux rares »586 qui se gonflent
d’importance, Prévert fait remarquer qu’«il y [a] aussi des Moineaux »587, c’est-à-dire
des individus qui savent atteindre une perception transfigurante du monde en toute
modestie. La majuscule à « moineaux » illustre bien ici la valeur qu’attribue le poète à
ces figures, et par extension à leur capacité perceptive.
Ainsi donc, c’est tout un chacun qu’invite Prévert dans !’expérimentation d’une
vision esthétisante. Le poète précise en effet dans « Pater noster » que les beautés du
582 « L’Albatros » v.16.
583 ɜ
584Gasiglia-LasteretLaster5Vol. 1 1015.
585 Jacques Prévert, « Gens de plume », Spectacle 355.
586 3 55.
587 3 5 6.