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revendiquer plutôt des valeurs de vie et une perspective allant dans le sens de cette
transfiguration esthétique. Césaire insiste en effet : « Je ne peux pas dire que je ne crois
pas du tout à l’importance de la race. Je pense que, effectivement, on naît blanc, on naît
noir, etc. Mais ça se confond, pour moi, très vite, avec la culture. Quand je me
revendique de l’Afrique, cela signifie que je me revendique des valeurs culturelles
africaines »616 Ainsi, lorsque Césaire s’oppose au discours capitaliste occidental en
valorisant les principes négro-africains, il ne prend pas uniquement parti pour les peuples
noirs mais défend tous les groupes sociaux que le système dominant aliène et bafoue.
Dans le Cahier, le poète inclut en effet dans sa révolte la détresse de tous les exclus, les
marginaux et les sacrifiés de l’humanité, que ce soit Iejuif, le noir d’Afrique australe ou
des Etats-Unis, l’hindou ou le mendiant. Le poète se fait ainsi représentant des victimes
de tous les pogroms — un pogrom étant initialement une « émeute organisée contre une
communauté ethnique ou religieuse ».617 Césaire proclame :
[...] je serais un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui -ne-vote-pas
Г homme-famine, Г homme-insulte, Г homme-torture [...]
un homme-juif
un homme-pogrom
616 Cité par Leiner, vol. 1 125.
617 Patrice Louis, ABCésaire. Aimé Césaire de A àZ (Martinique : Ibis Rouge, 2003) 72.