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France, l’effacement complet du divin explicateur dans les esprits ne se fait qu’au siècle
suivant. Camus remarque bien que
[c]e principe triomphe en 1919 qui voit la disparition de tous les
absolutismes d’ancien régime en Europe. Partout, la souveraineté de la
nation substitue, en droit et en raison, au souverain roi. Alors seulement
peuvent apparaître les conséquences des principes de 89. Nous autres
vivant sommes les premiers à pouvoir en juger clairement.26
Ainsi, malgré une conscience grandissante de la perte de l’explication divine, l’époque
pré-moderne que constitue le XIXe siècle peine encore à sortir complètement d’un
discours lié au sacré religieux. Ainsi Nietzsche, bien que constatant l’abandon progressif
des explications religieuses dans la pensée occidentale, remarque que les normes
chrétiennes restent bien présentes dans les discours de son époque. Camus explique la
pensée du philosophe :
[II] tien[t] Dieu pour mort dans l’esprit de ses contemporains. Il
s,attaqu[e] alors [...] à l’illusion de Dieu qui s’attarde, sous les apparences
de la morale, dans l’esprit de son siècle. Mais, jusqu’à [lui], la pensée
libertine, par exemple, s’est bornée à nier l’histoire du Christ [...] et à
maintenir, dans ses négations mêmes, la tradition du dieu terrible.27
En d’autres termes, le XIXe siècle se présente comme une époque trouble dans laquelle le
discours religieux, bien que régulièrement et profondément contesté par des actes de
subversion à ses principes, domine encore, ne serait-ce que par la persistance de l’ordre
qu’il véhicule. Le rejet des préceptes chrétiens au XIXe siècle passe en effet
26 165.
27 52.