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positive : le sentiment aide l’homme à vivre pleinement grâce au plaisir qu’il engendre,
plaisir qui se dégage du réel au lieu d’invoquer un espace et une force extérieure.34
L’amour se constitue donc, d’après Ferry, comme une source d’élévation et de
contentement inédite. A ce sujet, le philosophe statue :
c’est bien là, à nouveau, d’une transcendance qu’il s’agit. Non plus celle
du Dieu qui s’impose à nous de l’extérieur. Pas même celle des valeurs
formelles, qui pourtant nous paraissent déjà, de façon énigmatique,
dépasser l’immanence égoïste à soi, mais d’une transcendance qui se situe
par-delà le bien et le mal. Parce qu’elle est de l’ordre du sens, et non plus
du seul respect de la loi.35
Evoluant dans un XIXe siècle marquée par la remise en cause d’un Dieu
explicateur et guide de l’humanité, Baudelaire exprime ouvertement son doute envers la
possibilité d’un pouvoir divin salvateur. Dans une pensée intime, il remarque par
exemple que l’empreinte de la doctrine religieuse sur les esprits est telle que la vérité
même de l’existence de Dieu ne rentre finalement pas en compte dans la décision de
croire ou non ; il déclare : « Dieu est le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin
d’exister ».36 Dans une lettre à sa mère, le poète réitère son doute, se désespérant de son
manque de foi : « Je désire de tout mon cœur (avec quelle sincérité, personne ne peut le
34 Ferry 43.
35 43.
36 Charles Baudelaire, Fusées, 1887, Œuvres complètes, ed. Claude Pichois, vol. 1 (Paris : Gallimard, 1975)
649.