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principalement par une attitude contre-religieuse, c’est-à-dire par le dénigrement de ce
que le religieux valorise et l’adhésion à ce qu’il condamne, tout en reconnaissant les
valeurs chrétiennes comme le bien et le mal. Camus explique ce processus ainsi :
« puisque Dieu revendique ce qu’il y a de bien en l’homme, il faut tourner ce bien en
dérision et choisir le mal. La haine de la mort et de l’injustice conduira donc, sinon à
l’exercice, du moins à l’apologie du mal et du meurtre ».28
De plus, le questionnement d’un savoir basé sur les repères religieux engendre
une explosion des questions métaphysiques. En effet ces interrogations, dont les
réponses étaient auparavant claires et indiscutables grâce à la notion de devoir et de salut
chrétiens, sont désormais à la charge seule de l’humanité. Ferry remarque en effet que
« les questions existentielles dont les réponses allaient plus ou moins de soi dans un
univers traditionnel, surgissent avec une acuité inédite dans des sociétés démocratiques
où elles sont prises dans le tourbillon infini de l’autonomie ».29 En d’autres termes,
l’homme se voit privé une fois pour toutes d’explications « traditionnelles », c’est-à-dire
chrétiennes, pour justifier de l’existence, donner une signification aux événements de sa
vie et expliquer la mort. Dans un XIXe siècle qui voit naître cette remise en cause de
tous repères explicatifs fiables, l’homme se retrouve aux prises avec une angoisse
existentielle d’une intensité jusqu’alors inconnue :
N’attendant plus de secours du ciel, et n’ayant pas encore réussi à
fabriquer de nouveau mythe qui lui permette de se réintégrer à l’univers,
l’homme moderne se voit emprisonné dans une solitude irrémédiable. Il a
beau réussir à énumérer les phénomènes du monde qui l’entoure, il ne peut
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