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condition humaine : TEnnui.49 D’une manière bien pré-modeme, Baudelaire considère
Thomme comme passif face à sa condition misérable, véritable marionnette d’une force
extérieure : « C’est le Diable qui tient les ficelles qui nous remuent ! », se désole la voix
poétique dans « Au Lecteur ».50 Le poète décrit de même la déchéance éternelle et
!’impuissance de l’humanité dans «L’Irrémédiable»: Thomme y possède «[...] une
fortune irrémédiable, / Qui donne à penser que le Diable / Fait toujours bien tout ce qu’il
fait ! »51
Si le poète reconnaît bien l’abandon d’un Dieu guide et repère dans !’existence
humaine, il lui est cependant difficile, comme bien des hommes de son temps, de
s’extirper de Tordre que soutient le discours religieux concernant le bien et le mal. Le
poète se place alors constamment en rapport avec ces préceptes, tantôt chantant les
louanges des valeurs maléfiques, tantôt vantant la bonté chrétienne. D’un côté, il adopte
un mode de vie et de pensée libertaires et libertins, et encourage parfois à suivre des
idéaux contraires à ceux de !’Eglise. Ainsi dans son poème «L’Irrémédiable », il incite
Thomme à agir suivant des règles opposées à celles de la morale. La doctrine chrétienne
remise en question, cette anti-morale devient un nouveau guide pour l’humanité : cette
« conscience dans le Mal » constitue « Un phare ironique, infernal, / Flambeau des grâces
sataniques, / Soulagement et gloire uniques ».52 D’un autre côté, de nombreux textes de
Baudelaire, comme ses journaux intimes et sa correspondance, tracent le portrait d’un
homme fidèle au discours moral et chrétien inculqué dans l’enfance et encore
49 v.40; v.l ;v.33.
50 v.13.
51 v.30-32.
52 v.40 ; v.37-39.