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espace autre, par conséquent salvateur, par opposition à l’élément naturel pris dans sa
quotidienneté qui renvoie le poète à sa vie même et à la peur existentielle qui le ronge.
Ainsi contraste Gautier, « Baudelaire, s’il a le sens du grand paysage tropical où éclatent
comme des rêves des explosions d’arbres d’une élégance bizarre et gigantesque, n’est que
médiocrement touché par les petits sites champêtres de banlieue ».59 Le côté bienfaisant
des paysages tropicaux se rencontre par exemple dans la vision poétique mise en scène
dans « Parfum exotique », texte qui chante la volupté, le calme et l’équilibre qui règne sur
l’âme du poète lorsque celui-ci s’imagine voyager dans des espaces tropicaux lointains.
Le poète exprime son sentiment général de bonheur ainsi transporté dans de « charmants
climats » aux « rivages heureux ».60 Les sens en éveil, il chante constamment son
appréciation pour la satisfaction et la joie que procure un contact avec cet espace naturel
autre : il constate par exemple ici que « [...] la nature donne / Des arbres singuliers et des
fruits savoureux », tandis qu’il se réjouit du « [...] parfum des verts tamariniers, / Qui
circule dans l’air et [lui] enfle la narine ».61 Finalement, et au contraire de l’imprévu qui
règne dans l’existence, le paysage exotique est un royaume de paix et de sérénité, baigné
d’un « soleil monotone ».62
Pareillement, la femme représente pour le poète une force naturelle brute et
instinctive qui lui rappelle le contingent de l’existence, alors qu’elle s’abandonne
facilement aux sens, au désir et aux besoins. Baudelaire déclare en effet dans une pensée
intime :
59 21.
60 Charles Baudelaire, « Parfum exotique », Les Fleurs du mal 25-26, v. 9 ; v.3.
61 v. 5-6 ; 12-13.
62 v. 4.