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La femme a faim et elle veut manger. Soif, et elle veut boire.
Elle est en rut et elle veut être foutue.
Le beau mérite !
La femme est naturelle, c’est-à-dire abominable.63
Si Baudelaire méprise de la femme en tant qu’être naturel et donc contingent, il la
considère aussi dangereuse parce qu’elle manipule l’homme pour le conduire, par la
séduction, vers un état d’incontrôle et de passivité dans lequel le plonge le sentiment
amoureux et l’acte sexuel. Gautier insiste bien sur le dégoût baudelairien envers les
femmes pour ces mêmes raisons : « les unes symbolisent la prostitution inconsciente et
presque bestiale [...] ; les autres, d’une corruption plus froide, plus savante et plus
perverse, espèce de Marquise de Marteuil du XIXe siècle, transposent le vice du corps à
l’âme ».64 Dans ce contexte, le sentiment amoureux constitue un danger puisqu’il rend
l’homme impuissant, incapable de contrôler ses émotions, et par extension sa vie.
L’amour se présente même comme satanique dans «Le Vin de l’assassin » : c’est un
envoûtement infernal et mortel,
Avec ses noirs enchantements,
Son cortège infernal d’alarmes,
Ses fioles de poison, ses larmes,
Ses bruits de chaîne et d’ossement !65
Dans ce poème, le sentiment amoureux est en effet considéré comme une perversité et
une souffrance, alors que le meurtrier se justifie de l’assassinat de sa femme ainsi : « Je
63 Mon cœur mis à nu 677.
64 35-36.
65 Charles Baudelaire, « Le Vin de l’assassin », Les Fleurs du mal 108, v.37-40.