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Généralement pour Prévert, la religion est une drogue, un état toxique. Dans
Hebdromadaires, le poète pose en effet son athéisme en affirmant «[...] n[e] jamais
[avoir] été intoxiqué par le Père et le Fils [...] ».82 Dans une ébauche du même texte, le
poète va même jusqu’à mettre en relation les états néfastes et abrutissants de l’alcool et
de la religion, deux éléments apportés par le peuple blanc colonisateur aux indigènes :
« Tout ce qui a été importé, déclare-t-il, ce n’était pas seulement l’alcool, [mais aussi] les
Bibles, les Anciens, les Nouveaux et bientôt les Sumouveaux Testaments [...] ».83
Ainsi, Prévert récuse toute qualité, que ce soit la bonté, l’utilité et l’intégrité de
l’institution catholique comme de ceux qui s’associent à elle. Dans son récit poétique
« Souvenirs de famille ou l’ange garde-chiourme » par exemple, il accuse les préceptes
chrétiens de contribuer à la passivité humaine, encourageant ainsi les plus démunis à
accepter des conditions de vie et un ordre social injustes et intolérables. Prévert souligne
par exemple l’implication négative de la formule « les derniers seront les premiers »,
alors que le Christ du texte s’adresse au peuple en ces termes : « Heureux les pauvres
d’esprit, ceux qui ne cherchent pas à comprendre, ils travailleront durs, ils recevront des
coups de pieds au cul, ils feront des heures supplémentaires qui leur seront comptées plus
tard dans le royaume de mon père. »84 De plus, !’Eglise se présente ici comme un
organisme véhiculant un discours d’intolérance, de violence et de déraison. Ainsi, la
guerre se fait avec la bénédiction des prêtres et des aumôniers, et ce parfois sous des
82 Prévert et Pozner 859.
83 Cité par Danièle Gasiglia-Laster et Arnaud Laster, notices, Œuvres complètes, par Jacques Prévert, vol. 2
1454.
84 Jacques Prévert, « Souvenirs de famille ou l’ange garde-chiourme », Paroles 19.