42
joyeuse. Ainsi, alors que les humains se tuent, littéralement, à essayer de contrôler le
monde,
Des fleurs poussent
et le sang qui court sous la mousse
chante mille et trois ou quatre merveilles
et raconte aux enfants rochers
une très simple histoire naturelle.90
De même, le poème « Page d’écriture » illustre la beauté de l’état naturel tandis qu’un
écolier prend plaisir à imaginer sa salle de classe en joli paysage côtier. D’une manière
très significative, le contenu de ce poème s’oppose directement à celui du texte
baudelairien « Rêve parisien » : le premier poème chante les vertus d’un retour au naturel
alors que le second vante les qualités d’une dé-naturation de ce qui est perçu.
L’amour et la passion envers la femme sont aussi des sentiments positifs. Ils se
présentent par exemple comme vitaux dans « Alicante » puisque la femme aimée
constitue la « Chaleur de la vie » du poète.91 Certes, Prévert considère aussi la part de
souffrance, de problème et de dépendance qu’engendre l’amour — clairement soulignée
par Baudelaire dans «Le Vin de l’assassin». Le poème prévertien «Chanson du
geôlier » est ainsi construit sur la métaphore du sentiment comme d’une prison dont
l’amant est le geôlier. Comme dans le poème baudelairien, ce sont ici le sentiment de
responsabilité envers le bonheur de l’autre et les promesses d’un futur commun qui
scellent la dépendance amoureuse : le poète geôlier a enfermé sa maîtresse « Dans les
90 Jacques Prévert, « Le Mythe des sous-offs », Spectacle 271, v.43-47.
91
Jacques Prévert, « Alicante », Paroles 16, v.6.