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réflexion sur la défense des cultures et des peuples par exemple, le poète martiniquais
encourage l’homme à l’action pour le bien-être de l’humanité et l’appréciation de la vie.
Centré sur l’existence même, Césaire insiste sur le caractère vivant et actif de sa
métaphysique : « ma négritude n’est pas une tour ni une cathédrale / elle plonge dans la
chair rouge du sol / elle plonge dans la chair ardente du ciel ».95 En évoquant l’édifice
chrétien, le poète s’oppose ici clairement au discours de !’Eglise qui, d’après lui, est une
doctrine isolée et vide, ne s’ancrant pas dans l’humain et la vie.
Dans ce cadre, l’idée qu’une force extérieure et supérieure à l’homme contrôlerait
le monde et l’existence est bien entendu absurde : ce n’est pas le divin mais l’être humain
qui joue le rôle fondamental de créateur en tant que générateur principal de vie. Dans la
pensée traditionnelle négro-africaine, dont s’inspire constamment le poète martiniquais96,
il est en effet clair que c’est l’homme qui occupe la place centrale dans la vie. Léopold
Senghor remarque en particulier « [...] la place insigne qu’occupe VHomme au centre de
ce système, en sa qualité de personne, d’existant actif, capable d’accroître son être. [...]
Donc, la création est centrée sur !’Homme », conclut le penseur sénégalais.97 Ici,
!’Humanité est au centre de tout : les forces en présence, qu’elles soient terrestres comme
les êtres vivants, les végétaux et les minéraux, ou mystiques comme les Ancêtres, sont à
son service pour en accroître le pouvoir vital.98 Cette dernière réflexion rappelle la
95 Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, 1939, Œuvres complètes, ed. Jean Paul Césaire, vol. 1
(Fort-de-France : Désromeaux, 1976) 67.
96 Dans un entretien publié par Leiner dans le premier volume de Aimé Césaire, le terreau primordia,
Césaire déclare clairement se revendiquer de l’Afrique, et en particulier des valeurs culturelles africaines
(125).
97 Léopold S. Senghor, « L’Esthétique négro-africaine », 1956, Liberté I. Négritude et humanisme (Paris :
Seuil, 1964) 204.
98 Senghor, « L’Esthétique négro-africaine » 204.