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Dans cette perspective moderne, la femme et l’amour sont pour Césaire, à l’instar
de Prévert, des éléments centraux et hautement positifs. La figure féminine fait l’objet de
l’admiration du poète d’abord parce qu’elle sait plus facilement rester en contact avec sa
sensibilité et ses sens — raison pour laquelle Baudelaire la répugne. Dans un discours
prononcé lors d’une remise de prix dans un lycée de filles en Martinique, Césaire
souligne en effet les vertus de spontanéité, d’ouverture d’esprit et de folie qu’il attribue
au sexe féminin :
la femme est moins soumise à la tyrannie de la logique parce qu’elle est
plus fidèle au cosmos ; qu’elle a moins de méthode parce qu’elle a plus de
nostalgie ; que la femme (mémoire de l’espèce) a conservé, intact, le
souvenir des merveilleux saisissements qui ont marqué les premières
expériences de l’humanité, du temps que le soleil était jeune et que la terre
était molle, et qu’à tout prendre, ce qu’on appelle 1’ ‘irréalisme’ de la
femme n’est que la volonté de rendre à la pensée sa force démentielle,
bien sûr, sa force aberrante, je le concède, mais aussi sa force de
propulsion, de création et de renouvellement [...].106
De plus, la femme représente pour Césaire un élément vital et guide, à la fois source et
protection. Il remarque en effet au sujet de la figure maternelle que « [l]a mère, c’est la
présence, la mère, c’est celle qui nourrit, c’est celle qui protège, c’est celle qui assure la
continuité de la famille, dans toutes les familles martiniquaises, il y a toujours la mère
fondatrice. »107 Cette idée de source et d’origine se retrouve dans « Dit d’errance » où le
106 Aimé Césaire, « Discours des prix de 1945, Pensionnat colonial », Aimé Césaire : Une pensée pour le
XXIe siècle, Dir. Christian Lapoussinière (Paris : Présence Africaine, 2003) 569.
107 Leiner, vol. 2 31.