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poète associe la silhouette féminine à sa Martinique natale. Alors qu’il décrit la
souffrance et la révolte contre l’aliénation européenne de son île bafouée, il s’exclame :
« Corps féminin île retournée [...] Corps féminin îles retournées ».108 L’amour possède
de même un pouvoir important d’apaisement et de contentement, comme le conçoit bien
la perspective moderne décrite par Ferry. Dans le texte « Chevelure », Césaire souligne
en effet le côté protecteur de sa maîtresse qu’il considère comme sa « citadelle ».109 Le
sentiment permet à l’amoureux de retrouver la sérénité : accueillant la révolte et la
douleur du poète, la femme aimée est le « séjour de [s]on insolence de [s]es tombes de
[s]es trombes », alors que ses cheveux se font « espoir fort des naufragés ».110
2. Une réponse pré-moderne : l’ivresse et la mort
Encore enclin à considérer l’homme commun comme passif devant l’existence et
les difficultés de la vie, Baudelaire répond au malaise social et humain en suggérant une
attitude que je qualifierais de pré-moderne : s’évader du réel pour trouver réconfort dans
un monde autre. Dans le poème « Le Voyage », le poète souligne d’abord l’impulsion
naturelle des hommes à chercher un moyen d’échapper à leur condition humaine
maléfique en partant « [p]our n’être pas changés en bêtes »1U ou d’oublier leur situation
sociale, les valeurs bourgeoises dominant la société et la destinée d’une naissance dans la
108 Aimé Césaire, « Dit d’errance », Corps perdu, 1949, ed. Jean Paul Césaire, vol. 1 (Fort-de-France :
Désormeaux, 1976) 286.
109 Aimé Césaire, « Chevelure », Soleil cou coupé 233.
“° 233.
lli Charles Baudelaire, « Le Voyage », Les Fleurs du mal 129,v.13.