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qui gazouille en [s]on sein palpitant », par exemple."8 Les pouvoirs hors du commun de
la boisson, «végétale ambroisie» dans «L’Ame du vin »"9, permettent en effet
d’occulter la réalité, de faire oublier une vie misérable, « de noyer la rancœur et bercer
l’indolence / De tous ces vieux maudits qui meurent en silence ».120 Le vin procède
comme un voile cachant une réalité sordide : l’alcool étourdit le buveur et l’élève dans un
espace psychologique consolateur dans lequel les difficultés de l’existence sont
masquées. Ainsi dans « Le Vin de l’assassin », l’ouvrier ivre s’extirpe du monde réel et
perd tout sens des réalités : couché par terre comme un chien ou indifférent à la mort'21, il
ne défend plus sa dignité humaine ni même sa vie.
Outre l’ivresse, la mort semble pour Baudelaire un moyen idéal de soulager l’âme
humaine. Dans « Le Mort joyeux », par exemple, le poète dépeint le trépas comme un
état apte à redessiner l’harmonie perdue de l’univers à travers la fusion et l’échange entre
la nature et le cadavre du poète. Alors qu’il s’offre volontairement et avec enthousiasme
à la décomposition post-mortem, le poète apostrophe les vers, ces « fils de la pourriture »
qui l’accompagneront désormais : « O vers ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
/ Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ».122 Les défavorisés de la société accèdent
de même à la paix en mourant. Dans « La Mort des pauvres », le poète affirme que seule
la fin de la vie réconforte les démunis de leur condition : « C’est la Mort qui console,
ll8v.14.
,19v.21.
120 « Le Vin des chiffonniers » v.29-30.
121 v.44 ; v.48-50.
122 Charles Baudelaire, « Le Mortjoyeux », Les Fleurs du mal 70, v.l 1 ; v.9-10.