73
textes du poète, déclarant que « [p]ersonne n’a parlé d[es pauvres] avec plus de vraie
tendresse que Baudelaire
A ce propos, Luc Badesco affirme le lien entre l’époque dans laquelle vit
Baudelaire et l’abondance des œuvres portant sur la figure du chiffonnier. Badesco juge
en effet que « la période de gloire des chiffonniers et l’intérêt esthétique qui s’éveille à
leur sujet se situent entre 1839 et 1842 ».200 Beaucoup d’artistes, y compris des
connaissances de Baudelaire comme le caricaturiste Honoré Daumier ou l’écrivain
Théophile Gautier, s’intéressent en effet à cette figure dont les caractéristiques — la
pauvreté, la liberté et le manque de préjugés — sont sources d’inspiration inédites à cette
époque.201 Benjamin constate de même l’intérêt que les contemporains portent au
personnage du chiffonnier. D’une part, il reconnaît de même le refleurissement des
discours philosophiques et sociologiques sur l’homme au temps de Baudelaire ; d’autre
part, il souligne l’importance de la logique capitaliste dans ce phénomène et remarque
que le chiffonnier se pose comme un symbole fort du mode de vie et de pensée en passe
de dominer. Ce personnage représente en effet la société en développement, société dans
laquelle la valeur d’utilité fait désormais loi et la misère ne semble plus avoir de limites.
Benjamin explique : « [w]hen the new industrial processes had given refuse a certain
value, ragpickers appeared in the cities in large numbers. [...] The ragpicker fascinated
ɪ" 622.
200 Luc Badesco, « Baudelaire et la revue Jean Raisin. La première publication du ‘Vin des Chiffonniers’ »,
Revue des sciences humaines 85 (1957) : 58.
201 Badesco 58.