79
faisant, et comme Prévert dans « Page d’écriture », il balaie les savoirs établis tels que les
connaissances mathématiques, pour nous apprendre :
Que 2 et 2 font 5215
que la forêt miaule
que l’arbre tire les marrons du feu
que le ciel se lisse la barbe [...]216
Cette démarche rappelle combien Césaire s’inspire de la perspective négro-
africaine qui cherche à « plonger sous la croûte superficielle de la réalité, du sens
commun, de la raison raisonnante ».217 Le poète distingue en effet clairement dans le
Cahier entre les valeurs et la logique européennes et le modèle de pensée négro-africain
qu’il admire et auquel il s’identifie. Il déclare alors dans une tirade sarcastique adressée
aux « missionnaires » et aux « bienfaiteurs de l’humanité » son rejet des références
occidentales comme le Dieu chrétien au profit de la culture de ses ancêtres africains. Sur
un ton emprunté à la rhétorique coloniale européocentriste, il s’avoue ironiquement
coupable d’avoir adopté des coutumes africaines comme les idoles, la danse, la chanson
et les costumes traditionnels. Ces éléments et activités présentent son désir d’un contact
permanent avec l’irrationnel, l’imagination et un certain sens esthétique :
je déclare mes crimes et il n’y a rien à
dire pour ma défense.
214 53.
215 Ce vers fait écho à ceux trouvés dans le poème de Prévert « Page d’écriture » : lorsque l’imagination et
la rêverie ouvrent les portes d’un monde de beautés cachées à l’écolier, « et seize et seize qu’est-ce qu’ils
font ? / Ils ne font rien seize et seize / et surtout pas trente-deux », affirme la voix poétique (v.24-26).
216 Cahier 54.
217 Sartre, « Orphée noir » xxv.