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de son état de bonheur et d’équilibre naturel. Dans ce texte le capitalisme, représenté par
le patron de l’usine, impose un discours de gain financier au travailleur : l’ouvrier est
forcé de privilégier la prospérité de l’entreprise au plaisir de profiter d’une journée
ensoleillée. Le poème « L’Effort humain » dévoile précisément comment le travailleur se
fait piégé dans l’engrenage des valeurs et des pensées capitalistes bourgeoises, ce qui le
conduit à sa perte : « il forge sans cesse la chaîne / la terrifiante chaîne où tout s’enchaîne
/ la misère le profit le travail la tuerie / la tristesse le malheur l’insomnie et l’ennui ».213
Par un jeu mot entre « travail à la chaîne » et « réaction en chaîne », le poète souligne ici
comment le travail de l’ouvrier l’aliène en le forçant à adopter un système de valeur
capitaliste, système qui conduit finalement au malheur et au mal-être
Césaire, dont la poésie foisonne de références à la végétation tropicale, aux
coutumes négro-africaines quotidiennes, et au malheur constant du peuple martiniquais,
fait état lui aussi d’un rapport moderne au monde. En effet, qu’il s’agisse de décrire la
faune et la flore des Antilles dans « Elégie » ou la misère sociale et psychologique de la
Martinique dans son Cahier, les textes césairiens s’efforcent de poétiser et de questionner
l’environnement présent, comme l’actualité. La démarche perceptive de Césaire
engendre, à l’instar de celle de Baudelaire et Prévert, par le rejet de la rationalité et de
l’utilitarisme. Dans le Cahier d’un retour au pays natal, le poète semble se libérer une
fois pour toutes de ces valeurs en se proclamant, lui et son peuple, du côté de la déraison :
« nous nous réclamons / de la démence précoce de la folie flamboyante ».214 Ainsi
213 v.41-44.