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terrain de l’athéisme, la structure sans doute la plus essentielle de toute
théologie : celle de l’ici-bas et de l’au-delà.233
D’autre part, et suivant les préceptes modernes, la vision transfigurante remplace même
le sacré chrétien : elle devient la seule démarche par laquelle l’homme accède à une
transcendance, un espace de sacralité qui se trouve cette fois dans le domaine de
l’immanence. Les élans spirituels et les sentiments de sacré ne se font plus qu’à l’échelle
humaine, émanant de et se développant dans l’homme. Ainsi explique Ferry, « [s]i le
sacré ne s’enracine plus dans une tradition dont la légitimité serait liée à une Révélation
antérieure à la conscience, il faut désormais le situer au cœur de l’humain lui-même ».234
Le sentiment religieux même passe maintenant par l’expérience individuelle et le moi,
comme en témoigne la réflexion de Maurice Merleau-Ponty sur l’écrivain catholique Paul
Claudel: «Claudel va jusqu’à dire que Dieu n’est pas au-dessus de nous, mais en
dessous de nous — voulant dire que nous ne le trouvons pas comme une idée supra-
sensible, mais comme un autre nous-même, qui habite et authentifie notre obscurité ».235
C’est plus particulièrement à partir de Baudelaire et des symbolistes que la
sacralité se retrouve liée au réel même, et en particulier à la perception poétique.
Auparavant réservé aux interventions divines que le texte littéraire ne faisait que décrire,
le sacré se perçoit maintenant dans l’activité poétique même. Olivier Sécardin explique :
Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, Mallarmé..., sont les héros de ce
Credo : des sujets libertaires, anti-chrétiens, anti-nationalistes, bravant la
233 40.
234 241.
235 Maurice Merleau-Ponty, « Le Langage indirect et les voix du silence », Signes (Paris : Gallimard, 1960)
88.