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Senghor, de retrouver des références au spirituel dans l’art africain.247 D’une manière
générale, l’adoption du divin négro-africain chez Césaire se rencontre dans sa vision
transfigurante à travers laquelle il sacralise des valeurs et des éléments de l’ordre du
quotidien ou du commun. En effet confie Senghor au sujet de la tradition de son peuple,
« [c]ette spiritualité s’exprime par les éléments les plus concrets du réel ».248 Il peut
s’agir de la nature comme le «Soleil, Ange Soleil» ou d’activités intuitives et
sensorielles comme la « danse sacrée ».249 Les instruments africains peuvent acquérir de
même un statut divin chez Césaire, comme c’est le cas des tams-tams dans « Ex-voto
pour un naufrage ». Cette démarche de sacralisation du commun serait inconcevable, et
même blasphématoire, dans la religion chrétienne. Le poète oppose d’ailleurs clairement
les deux types de foi dans « Ex-voto pour un naufrage » en apostrophant les « tams-tams
sacrés qui rie[nt] à la barbe des missionnaires »250 ; la nature sacrilège de la divinisation
des instruments de musique est renforcée ici par le titre même du poème.
Au-delà de sa perception transfigurante, Césaire fait appel au pouvoir de rites
négro-africains dans son action contre la misère humaine et sociale. Dans ses textes, il
invoque en effet régulièrement les fantômes, les ancêtres251, ou bien encore les idoles et
les sorciers pour trouver une voie vers une humanité plus tolérante et harmonieuse. Ainsi
dans le Cahier, il appelle d’abord la force des « Idoles »252 puis convoque celle de la
247 « Ce que l’homme noir apporte » 34.
248 « Ce que l’homme noir apporte » 34.
249 Césaire, Cahier 60 ; 69.
250 Aimé Césaire, « Ex-voto pour un naufrage », Soleil cou coupé 29.
251 Cahier 50; 73.
252 55.