122 André Chevrillon
trouvé ces voies de portage qui permettent de passer en
quelques lieues du bassin des Grands Lacs à celui dont les
eaux vont se perdre dans le Golfe du Mexique.
Le Père Marquette était l’un d’eux. Nous le voyons
d’abord, vers 1670 à Pointe St Esprit, à l’extrémité occi-
dentale du Lac Supérieur—puis à Ste Marie et à Michili-
mackinac, où ses ouailles hurones ont fui les Iroquois. Voué
à la Sainte Vierge, il l’avait suppliée de lui obtenir la grâce
d’évangéliser ces peuplades inconnues du Mississipi, dont
il avait entendu parler par des coureurs venus de l’Illinois.
Son vœu fut exaucé. Un jour à Michilimackinac5 l’explora-
teur Louis Joliet lui apporta l’ordre signé du Gouverneur
et de !’Intendant Talon, confirmé par le Supérieur des Jé-
suites Canadiens de se joindre à lui, pour chercher et des-
cendre la Grande Rivière par laquelle Talon disait pos-
sible, à moins de trois cents lieues de là, d’atteindre à Ia mer
Vermeil dont la Tarbarie formait l’autre bord.
Ils partirent le 17 mai 1673—six ans avant la première
expédition de La Salle vers Ie Mississipi. Quelle odyssée que
cette navigation. La galère d’Ulysse est un puissant navire
en comparaison de leurs deux canoës de quinze pieds, si
frêles, faits de maintes écorces de bouleaux. Pour vivres,
ils n’ont qu’une provision de maïs et de pemmican; pour
bagages, une boussole, une astrolabe, des outils, le Crucifix
du Père et ce qui lui faut pour dire la Messe. C’est ainsi,
pacifiquement, sans autre guerre qu’avec les Iroquois, ce
peuple de proie, que les Français ont étendu leur domaine
du Saint-Laurent au Golfe du Mexique, et jusqu’en vue
des Montagnes Rocheuses.
De Michilimackinac, les deux voyageurs ont gagné Ia baie
des Puants, la petite rivière Foix, et faisant portage, posé
leurs barques dans le Wisconsin. Ils le descendent entre des
forêts, des arbres chargés de vignes sauvages, des prairies