Cavelier de La Salle, 1643-1682 123
peuplées d’élans et de chevreuils. Le 17 juin une grande
eau transversale leur apparaît. C’est le Mississipi. Ils s’y
laissent glisser, et pendant des jours, portés par le courant,
ils traversent des étendues dont les bisons semblent les seuls
maîtres. Ce n’est qu’au bout de soixante lieues qu’ils voient
sur la berge boueuse des empreintes de pas humains. Dé-
barquant, ils les suivent, traversent une forêt et arrivent
aux villages d’un clan d’Illinois, dont le Sachem, qui avait
entendu parler des Français des Grands Lacs, les accueillit
comme des Envoyés du Grand Esprit.
Ils descendirent jusqu’au 33ème parallèle, au confluent
de l’Arkansas, où les Indiens leur apprirent qu’ils n’étaient
plus qu’à dix journées de l’estuaire du fleuve. Il était clair
que le Mississipi finissait dans le Golfe du Mexique, non
comme on l’avait cru dans la mer de Californie. C’était le
point qu’il s’agissait de fixer. Et comme on leur disait qu’en
aval les Natchez, armés de fusils par les Espagnols, qui n’é-
taient pas loin, interdisaient le bas de la Grande Rivière,
craignant d’être pris et que le fruit de leur expédition ne fût
perdu, ils reprirent le chemin des Lacs. Ils avaient décou-
vert cette grande vallée centrale de l’Amérique du Nord dont
Tocqueville a dit qu’elle était la plus magnifique demeure
que Dieu ait préparée à l’homme, une vallée six fois grande
comme la France, aujourd’hui la contrée la plus riche du
monde en blé, en pétrole, en coton, où vivent 60 millions
d’hommes et dont les statisticiens prévoient qu’elle pourra
un jour en nourrir deux cent cinquante millions.
Epuisé, malade, Marquette dut s’arrêter à la Baie des
Puants. A peine convalescent, il repart et s’en va fonder
une mission chez les Illinois; il revient miné par la dysen-
terie et meurt au bord de la Rivière de l’Ail—la Rivière de
Chicago, premier Européen sur le site où bruit aujourd’hui
une cité de plus de trois millions d’âmes.