126 André Chevrillon
pour une longue expédition: des vivres, quatre canots et
une compagnie de quatorze hommes.
Messieurs, je suis obligé d’aller vite. Disons seulement
qu’avec deux Sulpiciens que le Séminaire envoyait dans le
Nord des Lacs il atteignit l’Ontario, que malade, mais non
pas en danger, il persuada aux deux prêtres, qui le gênaient,
de continuer leur route. Que fit-il pendant les années qui
suivirent ? Nous n’en savons rien de précis, mais d’une his-
toire de Monsieur de La Salle, dont l’auteur le vit à
Paris en 1674, nous pouvons inférer que passant au Sud
du Lac Erié, il atteignit une branche de l’Ohio, et la suivit
jusqu’à Louisville. Qu’il ait découvert ce fleuve avant Joliet,
Joliet lui-même, son émule, en a témoigné. Une carte de
1674 qu’il a laissée porte ces mots au dessous du tracé de ce
fleuve : Route du Sieur de La Salle pour aller dans le Mexique.
Une autre, du même, confirme cette indication. “Rivière
Ohio par où le Sieur de La Salle est descendu.” Notons que
ses hommes l’ayant abandonné comme il approchait du Mis-
sissipi, il dut revenir seul à travers trois cents lieues de forêts,
de brousse, de marais et de peuplades sauvages. Un tel
voyage n’était pour lui qu’un premier pas vers le but qu’il
s’était fixé,—une simple reconnaissance. Il n’en dit presque
rien. La Salle agissait et ne se vantait pas.
L’année suivante—1671,—nous le retrouvons, toujours ex-
plorant, passant du Lac Erié à celui des Hurons, puis au
Michigan, puis, deux années avant Marquette à la rivière
de l’Illinois, découvrant ainsi la route qu’il reprendra trois
fois pour arriver six ans plus tard au Mississipi et à la
mer—la mer du Mexique, comme les renseignements qu’il a
recueillis des Indiens l’en ont maintenant convaincu.
Au printemps de 1673, il reparaît à Quebec où il sou-
met ses projets au nouveau Gouverneur Général, Frontenac,
un homme de son espèce, énergique, entreprenant, de déci-