84 The Rice Institute Pamphlet
la valeur d’un absolu. Comment retrouver ce qui est perdu
à jamais? Il est clair que le lien maternel ne sera jamais abso-
lument rompu, et que ces fameux “fiascos,” il se les imposera
à lui-même: c’est le rappel de son enfance, une condition,
peut-être, de son plaisir. C’est pourquoi sa haine pour son
père se prolonge pendant toute sa vie, et devient comme le
contrepoint de sa nostalgie. Il y a plus: tous les héros—à
l’exception, peut-être, nous le verrons un peu plus loin, de
Fabrice—de Stendhal connaissent ce conflit, qui est le propre
conflit de leur auteur transposé dans un registre romanesque.
Comme lui, ils sont traversés alternativement par la soif du
bonheur et des accès de nausée. “L’esprit français,” écrit
Stendhal dans ses Souvenirs, “que je trouvais ... à Paris
allait presque jusqu’à me faire m’écrier tout haut: Canaille!
Canaille!” On reconnaît cette plainte: c’est celle de Lucien,
d’Octave, de Julien. De même, ses mouvements vers le bon-
heur, ses soubresauts d’énergie, ne seront que des demi-
gestes, paralysés par de soudains frissons de dégoût. Il lui
répugne de “s’enfoncer dans la boue,” de passer par la porte
que débouche sur la scène illuminée où se joue la comédie de
la bassesse humaine. C’est pourquoi sa situation mondaine
se réduit, en définitive, à celle d’un fonctionnaire à demi-
solde. Encore a-t-il constamment besoin de l’appui des Daru:
ce sont ses Mosca à lui. Il a aussi la gaucherie, l’étourderie,
la bêtise peut-être, de Julien et d’Octave. Dans les salons de
Paris, ce sensible, ce timide, fait figure d’un impudent et
d’un être grossier. Ce dégoûté fait dégoûter les autres. Des-
tutt de Tracy, qui l’a connu fort bien, l’appelle un “cheval
ombrageux.” Au milieu d’un monde brillant, soudain il se
sent ébranlé par un spasme de nausée: le rictus s’insère dans
le masque, le déforme ou le fait craquer: “Actuellement le
sage di Fiore me reproche de l’ironie cachée, ou plutôt mal
cachée, et apparente malgré moi dans le coin droit de la