d’une technologie que le concurrent ne connaît pas, il gagne des parts de marché. De même,
lors d’une guerre, si l'un des ennemis possède une arme inconnue de l’adversaire (fusil,
poudre à canon, bombe atomique, etc.), il vaincra et parviendra même à dominer la terre.
N’est-ce pas là, en effet, une des clés de l’histoire des conquêtes occidentales dans le monde ?
Or, ainsi que l'observait, dès 1985, Harlan Cleveland10, homme d'État et membre de l'élite
intellectuelle des États-Unis, le secret a tendance à disparaître dans la société de la
connaissance car « l’information a une tendance inhérente à fuir et à se répandre ». Et il
ajoute que « l’information est plus accessible à plus de gens que les autres ressources
mondiales ne l’ont jamais été dans l’histoire », si bien que les hiérarchies fondées sur la
possession exclusive de l’information et de la propriété intellectuelle sont en train de
s’écrouler, en silence mais rapidement. Harlan Cleveland et la "World Academy of Art and
Science", dont il a été le président pendant des années, avaient déjà annoncé le crépuscule des
brevets dès 1990. D'ailleurs on voit que l’opinion s'approprie de plus en plus vite ce qui, hier
encore, relevait du monde des « secrets ». Internet y contribue. L'exemple le plus frappant est
celui de "I-Pod" lancé par Apple et du chargement direct de la musique par Internet, avec
toutes les batailles qui en découlent. Et songeons aussi à la bataille de gouvernements du Tiers
Monde en faveur des médicaments génériques que les firmes pharmaceutiques sont en train
de perdre en silence, étape par étape.
C'est donc comme si un cercle vertueux de partage et de transparence s’instaurait grâce à
l’ouverture et au partage de la connaissance. Cette nouvelle logique ouverte me semble
porteuse d’avenir, mais aussi de conflits nouveaux entre la vision ancienne et la nouvelle.
Mais il ne faut pas sous-estimer ceux qui vont tout faire pour ne pas changer de vision et
conserver la priorité au secret et aux brevets. Il y a encore actuellement des batailles
importantes sur de nombreux fronts afin de préserver la propriété intellectuelle des inventions,
de la musique, de l'artisanat, et des œuvres d'art en général. Et ceci est tout à fait
compréhensible, puisqu'il faut que les artistes puissent vivre également. Mais les formes du
passé, les manières des rétribuer la connaissance risque de changer assez fondamentalement
sans que l'on puisse dire exactement comment. Là est le problème. On ne sait pas exactement
comment le changement va affecter tel ou tel domaine d'activité industrielle.
Certains vont continuer tête baissée à reproduire de toutes leurs forces le système et
l'approche industrielle en ce moment de crise et de transition. On le comprend, même si cela
ne constitue pas un chemin d'avenir. Ceux-là trouveront aussi "logique" de manipuler le
cerveau humain afin de le rendre docile à la machine et créatif dans le sens de la logique
industrielle et mécanique exigée par ces dirigeants. Et ils n'auront, semble-t-il, aucun
problème éthique puisque dans cette vision "moderne" et rationnelle, "tout ce qui est
scientifique est rationnel" donc au-dessus de l'éthique, dont il ne faut donc absolument pas se
préoccuper. C'est le second scénario de la société de la connaissance. C'est la seconde colonne
qui est déjà mise en œuvre un peu partout. Nous y reviendrons mais nous ne sommes pas loin
du tout des scénarios Orwelliens.
2.5. Le management
Notre inconscient collectif tend à se méfier du terme même de management. Il craint la
manipulation humaine qu’il pourrait receler. Or, un revirement spectaculaire des théories du
management est en cours. Peter Drucker, l'un des pionniers et l'une des autorités les plus
respectées en la matière, annonce un recentrement du management sur l’humain dans une
10 Harlan CLEVELAND, Leadership and the information revolution, "World Academy of Art and Science"
publications, 1997, p. 16.
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