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enrichissement : ‘j’appréhende’ ; c’est quelque chose qui me permet de
cueillir, de prendre, de dépasser, d’aller de l’avant. J’engrange. J’étreins,
je ne recule pas. Ce n’est pas un appauvrissement, c’est un
enrichissement.336
Senghor remarque de même l’usage du système métaphorique dans la démarche poétique
césairienne, ainsi que la mise en valeur de réseau de correspondances inédits et originaux
entre les éléments cosmiques. Reprenant une affirmation du Cahier, il explique :
Deux et deux ne font pas quatre mais ‘cinq’ comme le dit le poète Aimé
Césaire. L’objet ne signifie pas ce qu’il représente, mais ce qu’il suggère,
ce qu’il crée. L’Eléphant est la Force ; !’Araignée, la Prudence ; les
cornes sont Lune ; et la Lune Fécondité. Toute représentation est image,
et l’image, je le répète, n’est pas équation, mais symbole, idéogramme.
Non seulement l’image-figuration, mais la matière — pierre, terre, cuivre,
or, fibre —, mais encore la ligne et la couleur.337
Le poème « Elégie », où dominent le visuel et le sonore, illustre bien cette démarche de
perception par rapprochements imagés chez Césaire alors que la flore et l’humain y sont
mis en relation. Ici, les éléments naturels deviennent métaphores et renvoient à des sons
particuliers qui font référence à l’homme, ou plus particulièrement à des parties du corps
humain comme l’œil ou à des éléments fabriqués par l’homme tels que les trompettes et
les clefs. Le poète décrit ici :
L’hibiscus qui n’est pas autre chose qu’un œil éclaté
d’où pend le fil d’un long regard les trompettes de solandres
336 Cité par Leiner, vol. 1 127.
337 « L’Esthétique négro-africaine » 210.