Cavelier de La Salle, 1643-1682 133
truit par les déserteurs, et ils ont signé leur forfait, laissant
cette inscription: “Nous sommes tous sauvages.” Plus une
âme. Qu’est devenu Tonty? Pour essayer de le savoir, et
peut être des féroces Iroquois eux-mêmes, La Salle, dévoré
d’inquiétude, descend toute la rivière, et il n’a que quatre
hommes avec lui. Solitude partout. Il va jusqu’au Mis-
sissipi. Enfin ses yeux voient le grand fleuve dont il a tant
rêvé. Il pourrait—ses compagnons le lui proposent—con-
tinuer, dépasser les lieux atteints par Marquette, se donner,
sans plus attendre, le bonheur et la gloire de porter jusqu’à
la mer le drapeau de son Roi. Pour ce chef, le premier de-
voir est envers son lieutenant et les quelques fidèles qui
jusqu’au bout—il n’en doute pas—ont gardé leur poste.
Il les a cherchés partout sur le chemin qui les ramène au
Michigan. Mais une autre tâche s’impose: l’œuvre à laquelle
il a voué sa vie est vaine si la route du Mississipi reste ex-
posée aux incursions des Iroquois. Il entreprend de la leur
barrer en organisant contre eux une confédération des tri-
bus. A cette fin, tout l’hiver qu’il passe à St Joseph dans
le pays des Miamis, il l’emploie en négociations avec eux,
avec des colonies d’indiens de l’Est et de l’Ohio qui ont
fui jusque là les Anglais et les Iroquois. Et ce n’est pas
tout: à travers des plaines de neige dont l’éblouissement le
rend aveugle pendant trois jours, il va chercher au Nord du
Michigan, d’autres peuplades qu’il réussit à enrôler. Reve-
nant, il trouve un grand village Miami dominé par une
petite bande de la tribu rapace devant qui tremblent les
autres peuples Indiens. Ils s’y sont posés en maîtres; ils ont
parlé des Français avec le dernier mépris. Il va droit à eux,
les interpelle, les défie, lui présent, de répéter leurs insolents
propos. Intimidés, confondus, ils se taisent; et dans la nuit
suivante, s’esquivent du village. Sur les Miamis, dit Park-
man, l’effet fut prodigieux: ils avaient vu La Salle, à la tête