134 André Chevrillon
de dix Français, imposer à ces arrogants visiteurs le respect
qu’eux mêmes avec leurs centaines de guerriers, étaient si
loin de leur inspirer.
Le lendemain, devant une grande assemblée de Miamis,
La Salle parle. Le difficile, c’est de les amener à l’alliance
avec les Illinois qui sont pour eux de vieux ennemis. Il les
assure de la protection du Roi de France, ami de la paix, et
dont la puissance est redoutée de toutes les nations du
monde; “il les exhorte à se joindre à leurs voisins pour la
défense, car si les Iroquois détruisaient les Illinois, c’est eux,
les Miamis qu’ils détruiraient ensuite.” “La Salle,” dit l’un
des auteurs de la relation, “était le plus grand orateur de
l’Amérique septentrionale.” La réponse des chefs ne se fit
pas attendre: “L’Illinois, dirent-ils, est notre frère, puisqu’il
est le fils de notre père. Nous vous faisons maître de nos
castors comme de nos terres, de nos forts et de nos esprits.
Nous ne savions pas le bonheur d’être les enfants du
Grand Roi. . .
Trois mois de diplomatie pour amener l’union des tribus
contre l’ennemi commun ce n’était pour un La Salle qu’une
préparation. Il lui restait maintenant à tout reprendre une
troisième fois, et pour cela, rentrer au Canada. Quelle route
encore: quatre grands lacs à traverser dans leur longueur.
Passant à Michilimackinac, il a le bonheur de retrouver le
Chevalier Tonty, miraculeusement revenu de Crèvecœur et
du grand village des Illinois qu’il a défendu tant qu’il a pu,
“allant, comme l’avait souvent fait son chef, jusqu’à s’avan-
cer seul au milieu des agresseurs qui, poussant leur cri de
guerre, l’ont frappé d’un coup de couteau et ont fait le
geste de le scalper.”
Les deux hommes se racontent leurs tragiques aventures.
Le Père Membré qui assistait à cette rencontre, nous dit
que La Salle parlait de ses désastres avec tranquillité, bonne