Il faut d’abord souligner la confusion qui est généralement faite dans l’assimilation du
concept de technologie avec une forme technique avancée (l’informatique par exemple).
La technologie est un fait spécifique, une pratique consciente d’elle-même. La
technologie se distingue de la science par son objet, la « réalité technique », mais elle
est également redevable la science par son esprit (la science est vue ici comme une
manière méthodique de poser les problèmes). Réduite à son versant « protocole », la
technique est donc manière de faire les choses, in fine organisation.
hal-00480084, version 1 - 3 May 2010
En fait, la genèse de la technologie opère par accumulation des techniques et référence
aux lois scientifiques liées à ces techniques. Il existe en quelque sorte un effet zoom qui
va des techniques aux sciences via la technologie d’où l’aspect confus dans l’utilisation
de tel ou tel terme. Prenons un exemple rapide. La chimie est une des disciplines
constitutives des sciences. A cette discipline sont associées des lois qui se caractérisent
par la permanence constatée dans la combinaison d’éléments dans des conditions
données. Sur le plan des techniques, cette permanence a été constatée empiriquement
comme dans la métallurgie du bronze. La technologie apparaît quand l’accumulation
des techniques autorise une conceptualisation sur celles-ci, au-delà de la référence à un
savoir-faire spécifique.
La technologie, avec son suffixe logos, correspond à une rationalisation qui n’implique
pas le recours à la notion de progrès technique. C’est un discours sur la logique de la
science. C’est le « discours sur » qui vient donc rendre intelligible la « logique de ». A
ce titre, l’organisation est également élément de cette « logique de ».
Mais la technologie a conduit au remplacement de l’apprentissage du savoir pratique
par celui de connaissances théoriques (comme chez l’ingénieur) et l’assujettissement du
talent de l’artisan (dont l’art de faire se caractérise par la primauté accordée au savoir-
faire) au savoir théorique scientifique. La technologie permet donc de comprendre le
passage d’un monde traditionnel à un univers moderne fondé sur la rationalité
scientifique. C’est bien un champ spécifique par comparaison à celui des techniques et
de la science. C’est aussi une vision de l’homme au travail dans le monde qui n’est pas
celui de la figure de l’artisan. C’est enfin une heuristique permettant en quelque sorte de
placer face à face des agents sociaux et des solutions. La technologie oriente et contraint
l’action. Mais c’est aussi une base matérielle d’action qui pose le problème du sens de
l’action.
La technologie indique aussi la référence à des « objets techniques » susceptibles de la
matérialiser. L’objet technique est donc porteur d’un modèle qui structure l’ensemble